Patrimoine
Le millénaire de la naissance d'Hugues de Semur

Frédéric RENAUD
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La Saône-et-Loire fête cette année le millénaire de la naissance d’Hugues de Semur. Né en 1024 et mort en 1104, cet homme né dans une famille seigneuriale a mené sa vie dans le clergé, devenant à 25 ans abbé de Cluny. Hugues de Semur a laissé sa trace dans l’histoire en lançant les travaux de construction de la grande église de Cluny, la "maior ecclesia" ou Cluny 3.

Le millénaire de la naissance d'Hugues de Semur
Le clocher de l'Eau bénite (à gauche) et le clocher de l'Horloge sont deux des vestiges de la Grande Eglise, dont les travaux ont débuté en 1088, lancés par Hugues de Semur.

Hugues de Semur a lancé, en 1088, les travaux de cette nouvelle église abbatiale. L’édifice devait se démarquer par des dimensions plus grandes, devant représenter la puissance de Dieu sur terre, mais également la puissance de Cluny. L’église du pape, Saint-Pierre de Rome, est alors le modèle à imiter et même à surpasser ! Pendant près de 400 ans, cette "maior ecclesia" restera la plus vaste église de la chrétienté occidentale.

Rien n’est trop beau pour Cluny : l’abbé réunit alors les meilleures équipes d’ouvriers, de sculpteurs et de peintres pour travailler à ce chef-d’œuvre de l’art roman.

La légende de Gunzo

Le projet de la "maior ecclesia" aurait été révélé par Saint Pierre à un moine du nom de Gunzo. Le saint serait apparu au moine déjà âgé, lui demandant de se rendre auprès de l’abbé Hugues afin qu’il reconstruise une église plus grande pour « accueillir dignement la communauté que ne cessait de croître ». Saint Pierre lui aurait également montré la manière d’édifier l’église, puis Gunzo se serait vu en songe tendre lui-même des cordes et délimiter l’espace en longueur et en largeur.

La légende dissimule le nom de l’architecte de la grande église. Il faut plutôt retenir le nom du chanoine Hézelon de Liège. C’est un mathématicien qui s’est ensuite formé à l’architecture ; il est appelé à réfléchir aux plans de la maior ecclesia et à en diriger les travaux, dès 1088.

Une aire d’immunité

Hugues de Semur a aussi produit deux autres œuvres importantes. La première se voit encore dans le paysage. Le prieuré de Berzé-la-Ville est un site abbatial qui recevait des hôtes de marque… Ses décors sont un chef-d’œuvre de la peinture murale du XIIe siècle et les seuls témoins de la peinture monumentale clunisienne.

Hugues de Semur a également assis le statut particulier de l’abbaye. Il obtient pour elle une aire d’immunité, délimitée par un "ban sacré", dont les dimensions ne cesseront ensuite de croître. Les premières limites sont tracées par une charte de Pierre d’Albano : c’est un légat du pape Grégoire VII, envoyé à Cluny en 1080, à la demande d’Hugues de Semur. Celui-ci se plaignait alors des exactions des évêques de Lyon et Mâcon, qui réclamaient des droits sur des églises placées sous l’influence de l’abbaye, en vertus de privilèges pontificaux.

À l’intérieur de cette aire d’immunité, il est interdit de construire des fortifications et d’exercer le droit de péage : aucune violence ne doit être commise à l’encontre de Cluny.

L’un des pionniers de l’Europe ?

En 1049, l’abbé Hugues de Semur succède à l’abbé Odilon pour une jolie durée de soixante années. À l’image de ses charismatiques prédécesseurs, l’abbé met toute son énergie et sa détermination à promouvoir la grande église bourguignonne. Cluny connaît sous son temps d’exercice (jusqu’en 1109) une extraordinaire expansion.

Pendant son abbatiat, c’est l’un des personnages les plus puissants d’Europe, tant son influence politique et religieuse s’exerce auprès des papes, des rois et empereurs. Il fut le conseiller, le négociateur et même le légat des papes et fit de nombreux voyages à Rome. Il va alors connaître neuf papes, dont quatre sont issus de Cluny.

Il entretient aussi des relations avec les grands d’Europe. Il parle notamment aux rois de France, comme Robert II le Pieux ; celui-ci maria son fils cadet Robert Ier le Vieux, avec la propre sœur d’Hugues, Hélie de Semur. Il rencontre aussi les rois d’Angleterre, notamment Henri 1er d’Angleterre, qui finança un quart de la construction de Cluny III. Il croise également les rois d’Espagne, et surtout Alphonse VI. Celui-ci fut un grand bienfaiteur de Cluny en finançant plus de la moitié de la construction de Cluny III.

Encore aujourd’hui, on considère que Saint Hugues est à l’origine de la formation de l’Europe.

Des origines seigneuriales

Hugues de Semur est né dans le lieu nommé de nos jours Semur-en-Brionnais, au château des seigneurs de Semur. Il était le fils de Dalmace le Grand et d’Aremburge de Vergy. Le XI siècle qui concerne la majeure partie de sa vie est une époque très instable, où se croisent amour, haine, fidélité et trahisons, dons et pillages… C’est un univers complexe où on s’allie temporairement, et où on guerroie pour des terres, des domaines, des provinces…

Lorsqu’Hugues naît, son père veut en faire un guerrier ; sa mère lui apprend à lire, à écrire, le latin, à chanter. Passionné par ces apprentissages, il veut étudier au prieuré de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône. Son oncle, évêque d’Auxerre, et son grand-oncle le font entrer, à l’insu de son père, à 15 ans, à l’abbaye de Cluny.

L’abbé Odilon qui l’accueille au monastère le nomme grand prieur à 20 ans. À la mort d’Odilon, il devient abbé à l’âge de 25 ans ! La règle de la prière et du labeur le guident ensuite sur la voie de l’essor de Cluny.