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Viande bovine

Les défis de l’adaptation la filière viande bovine pour s'adapter à la demande

Erosion de la consommation, nouvelles attentes sociétales, volatilité des marchés… La filière bovine française doit s’adapter. Mais quels leviers doit-elle actionner face à des signaux parfois contradictoires ?

Par Publié par Cédric Michelin
Les défis de l’adaptation la filière viande bovine pour s'adapter à la demande

Après une décennie traversée par de nombreuses crises - sanitaires, économiques (envolée des matières premières, chute des prix…), climatique… - la filière bovine française doit de plus composer avec les évolutions de la consommation, ainsi que son érosion.

Comme l’a expliqué Philippe Chotteau, de l’Institut de l’élevage, lors de la journée Grand angle viande organisée par l’Idele le 7 novembre, la consommation de viande bovine diminue - voire chute fortement - dans certains pays européens : par exemple -20 % en Italie depuis 2005. En France, plus important consommateur européen avec 23,7 kg équivalent carcasse par habitant, la baisse de consommation totale sur dix ans avoisine les -5 %.

Cependant et en parallèle, la demande mondiale est croissante et particulièrement dynamique au niveau des broutards. La France a ainsi vu ses exportations repartir depuis trois ans, avec une montée en gamme : ainsi, on note la montée en puissance de l’exportation de davantage de femelles de plus de 300 kg au détriment des jeunes broutards légers. Néanmoins, les broutards français doivent lutter contre une concurrence accrue et doivent, à ce titre, se démarquer, notamment grâce aux broutards de race pure aux GMQ élevés, ce qui favorise les grands formats. Or, et c’est paradoxal, on demande une baisse du poids carcasse…

Des modèles à améliorer

Pour l’éleveur, difficile en effet de travailler à réduire le poids des animaux quand le prix payé est lié au poids et donc plus élevé pour des carcasses lourdes.

« Le fonctionnement de la filière ne permet pas la circulation de signal Prix », met en exergue Paul Grelier, d’Interbev. Sans compter que le tri effectué après abattage ne reflète pas la demande du consommateur, et que l’éleveur ne connaît jamais - ou très exceptionnellement… - la destination de ses morceaux, ce qui le déconnecte totalement de la demande. Un constat dans la lignée de l’exposé de Philippe Dimon, de l’Institut de l’élevage, sur les trajectoires des systèmes naisseurs et naisseurs-engraisseurs observées ces dix dernières années.

En effet, la « logique de développement interpelle » : d’après l’observation de soixante-dix-huit exploitations naisseurs et quarente-trois naisseurs-engraisseurs entre 2005 et 2015, on constate une évolution vers une maîtrise technique plus exigeante, un accroissement de la productivité par la mécanisation, et une forte capitalisation, sans pour autant parvenir à dégager un salaire supérieur au Smic… En dix ans, la part d’enrubannage et de maïs ensilage a progressé, tout comme l’utilisation de concentrés : +30 à 40 % chez les naisseurs. Et cela alors même que les consommateurs plébiscitent l’alimentation à l’herbe !

Pour répondre aux enjeux économiques et sociétaux, une meilleure optimisation des ressources fourragères et une recherche de précocité s’imposent comme de possibles voies de progrès.

Satisfaire le consommateur

Pour retrouver de la valeur, la filière travaille également à mieux répondre aux attentes du consommateur. Si le steak haché représente aujourd’hui 47 % des volumes de viande bovine consommée en France, c’est aussi parce que le consommateur est rarement déçu de ce qu’il achète, met en avant Philippe Chotteau.

L’interprofession accompagne depuis plusieurs années la restauration hors domicile, le secteur qui a - et de loin ! - le plus recours aux importations… Il est question de meilleure connaissance du produit, de modes de cuisson, et des possibilités offertes dans les appels d’offre pour favoriser la viande française, ce qui est, faut-il le rappeler, une attente forte des consommateurs.

Concernant les qualités organoleptiques de la viande, un système plus lisible a été mis en place en 2014 pour indiquer le niveau de tendreté et le mode de cuisson. Avec un succès mitigé et qui a créé la confusion dans l’esprit de nombreux consommateurs. L’enjeu est pourtant majeur car la baisse de consommation s’explique en partie par l’hétérogénéité de la qualité de la viande achetée. Mais à ce niveau, une éducation du consommateur semble également plus que jamais nécessaire. Ainsi, par exemple, la perception qu’ont les consommateurs français du persillé est-elle parfois en opposition avec la qualité gustative qu’ils recherchent. A titre d’exemple, une étude présentée par Jérôme Normand, de l’institut de l’élevage, a comparé auprès de quatre cent vingt consommateurs l’intention d’achat au vu de la viande crue, et la perception après dégustation. Si 75 % sont prêts à acheter un faux-filet faiblement persillé en se fiant à son aspect, ils ne sont plus que 35 % à vouloir l’acheter après dégustation ! A l’inverse, la viande très persillée n’attire que 40 % des acheteurs, mais ils sont 65 % à avoir l’intention d’en acheter après dégustation… Le phénomène est similaire en ce qui concerne l’entrecôte. La solution, pour Jérôme Normand, serait donc de privilégier le niveau intermédiaire de persillé, lequel recueille quasiment les mêmes intentions d’achat, au stade viande crue, que le faiblement persillé, tout en étant bien davantage plébiscité au goût après cuisson. Reste à favoriser l’obtention de cette viande au niveau des éleveurs, grâce à davantage de génétique ou par l’alimentation des animaux en finition.

Pour la filière, il ne faut jamais perdre de vue que l’offre, c’est la viande, et non les animaux qui sortent des élevages, et que la demande ne provient pas des grossistes mais bien des consommateurs finaux, a d’ailleurs très justement rappelé Paul Grelier.