Le bio serait-il un mode de vie qui se démocratise ?
Les produits issus de l’agriculture biologique se démocratisent et sont de plus en plus présents dans les assiettes des français qui cherchent des produits plus sains et plus respectueux de l’environnement. Cependant, le prix est le principal frein à leur consommation.

« Le bio c’est bien plus qu’une mode, c’est un phénomène de société », a affirmé Audrey Pulvar, présidente de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), en ouverture d’un colloque sur l’agriculture biologique organisé par l’APCA. Karen Montagne, socio-anthropologue spécialiste des comportements alimentaires, estime ainsi qu’avec la démultiplication des points de vente de produits issus de l’agriculture biologique, on assiste à une démocratisation du bio. Il n’y a donc plus de profil type du mangeur bio. D’après une étude de l’agence bio, 15 % des Français sont ainsi consommateur régulier ou occasionnel de produits issus de l’agriculture biologique. Pour Étienne Gangneron, agriculture bio et président de la chambre d’Agriculture du Cher, l’intérêt de l’agriculture biologique est qu’elle réconcilie l’attente du consommateur et l’aspect économique pour les producteurs. Les consommateurs qui se tournent vers le bio y viennent par plusieurs entrées. La première est la recherche de produits plus sains. Florent Ghul, directeur de l’agence bio, affirme ainsi que la santé est la première motivation des consommateurs qui se tournent vers le bio. Emmanuelle Kess-Guyot, épidémiologiste de la nutrition, rappelle que l’étude Bionutrinet, sur les comportements alimentaires vis-à-vis du bio, montre que les produits Bio sont perçus comme étant meilleurs pour la santé. Cependant, à l’heure actuelle, la communauté scientifique manque de données pour prouver que le bio est meilleur pour la santé. Le goût, le militantisme politique, le respect du bien-être animal et de l’environnement, sont également des entrées poussant les consommateurs vers le bio. Le prix est le principal frein à la consommation de produits bio. 51 % des répondants à l’étude Bionutrinet, les considèrent ainsi « trop chers ».
Un panier bio 79 % plus cher
Une étude l’UFC-Que Choisir a, en effet, démontré qu’un panier de fruits et légumes bio est 79 % plus cher que son équivalent en produits conventionnels. Elle identifie que le prix d’une consommation annuelle en fruits et en légumes exclusivement bio pour un ménage français, revient en moyenne à 660 €, contre 368 € pour les équivalents en conventionnel. Ces prix plus élevés sont en partie justifiés par des prix à la production en moyenne deux fois plus élevés qu’en agriculture conventionnelle. Luc Mary, directeur de SICABA (coopérative d’éleveurs bovin, ovin, porcin), rappelle ainsi que sa coopérative achète la viande des adhérents, pratiquants l’agriculture biologique plus cher. Sur la viande de bœuf, l’écart entre viande AB et viande conventionnelle est de 60 à 90 centimes sur un kilo. Christine Valentin, éleveuse en ovin bio depuis 2016, estime que cette différence de prix est normale, car les contraintes en agriculture biologique sont réelles. Cependant, la différence de prix à la production n’est pas la seule raison de l’écart de prix constaté par l’étude de l’UFC-Que Choisir. Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir a aussi mentionné les taux de marge appliqués par les grandes et moyennes surfaces (GMS). L’étude a démontré que les GMS pratiquaient les mêmes taux de marge en agriculture biologique et en agriculture conventionnelle. Ainsi, comme les produits sont achetés deux fois plus cher, la marge est deux fois plus importante. Pour justifier ces marges plus importantes, Hugues Beyler, directeur agriculture de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), met en avant le coût de la logistique qui est plus important en agriculture biologique, car les filières sont encore en construction. Selon lui, la saisonnalité des produits a aussi un coût pour les GMS. Ce modèle d’agriculture en construction, s’il est en voie de démocratisation, doit donc encore évoluer pour séduire les consommateurs. Pour promouvoir l’agriculture biologique, les participants du colloque ont, pour la plupart, appelé à ne pas opposer les modèles.