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Cuma Luzerne de Bresse

Une unité de séchage innovante

Treize exploitants réunis au sein de la Cuma Luzerne de Bresse utilisent
aujourd’hui une unité collective de séchage unique en son genre. Basée
dans l’Ain, elle allie trois énergies : solaire, méthanisation et
biomasse, pour valoriser une production annuelle de mille cinq cents
tonnes de luzerne. Explications…
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Lescheroux dans l’Ain dispose aujourd’hui d’une unité de séchage collective de luzerne unique en France. Opérationnelle après trois ans de travail et d’études conduites avec l’appui de la chambre d’agriculture de l’Ain, elle permet de favoriser la mobilisation des ressources et des compétences locales d’un groupe de treize agriculteurs réunis au sein de la Cuma Luzerne de Bresse, créée en 2011.
A l’origine du projet, la volonté de produire localement un fourrage de qualité, notamment pour les producteurs de lait engagés dans la démarche AOC Beurre et Crème de Bresse. Car si un certain nombre d’éleveurs sont attirés par la production de luzerne, ils n’en demeurent pas moins confrontés à certains écueils difficiles à contourner : difficultés liées à la maîtrise de la récolte, ainsi que le séchage au champ. Ni l’ensilage (tassement des sols), ni l’enrubannage (problème de coût et débit de chantier) ne sont satisfaisants. En effet, ce qui rend la conservation de la luzerne sous forme d’ensilage si délicate à réaliser, c’est que la plante est pauvre en sucre. De plus, la conservation en sec par séchage au sol limite la dégradation des protéines, mais augmente les risques de pertes de feuilles en raison des interventions mécaniques. Le séchage en grange présente donc un triple avantage : sécuriser la récolte, limiter les interventions au champ (24 à 36 heures de pré-fanage), et contribuer ainsi à optimiser la valeur alimentaire de ce fourrage.

Trois énergies renouvelables


D’une surface totale de 3.550 m2, le bâtiment est composé de douze cellules de séchage de 1.000 m3 chacune. Tanguy Morel, conseiller à la chambre d’agriculture, a apporté un caractère totalement innovant au projet, en combinant le séchage collectif de luzerne à un projet individuel de méthanisation à la ferme (voir encadré). Il a ainsi associé trois énergies renouvelables : le soleil, la méthanisation et la biomasse. La récupération de chaleur du soleil sous la toiture, ainsi que l’eau chaude issue de l’unité de méthanisation située à moins de 300 mètres, contribuent à augmenter la température de l’air utilisé pour le séchage. Très concrètement, l’énergie solaire est captée au niveau du pan sud de la toiture (bâtiment et appentis), sur une surface de plus de 2.400 m2. L’air capté aux deux extrémités et au centre du bâtiment circule entre la toiture en fibrociment et les panneaux isolants. Ainsi réchauffé et asséché, l’air est transféré dans des gaines jusqu’aux ventilateurs avant d’être renvoyé sous les cellules de séchage. 30 à 35 % de l’énergie solaire est récupérée, soit 6.000 kWh pour une journée ensoleillée, ou l’équivalent de 620 litres de fuel. L’énergie récupérée engendre une augmentation de la température de l’air ambiant de +3,6 % et une diminution de l’humidité relative de l’air de -12 à -14 %.
L’eau chaude issue de l’unité de méthanisation est acheminée jusqu’au bâtiment et stockée dans un ballon tampon de mille litres. Elle circule en circuit fermé, passant par quatre aérothermes de 100 kW placés en amont des ventilateurs. En saison estivale, près de 4.800 kWh par jour peuvent être récupérés.
Enfin, pour optimiser le fonctionnement de cette unité toute l’année et sécuriser le système, une chaudière biomasse de 850 kW permet d’appréhender les périodes critiques d’octobre à avril. Alimentée automatiquement en bois déchiqueté (ou plaquettes), la chaudière assure une production d’eau chaude transformée en air chaud à l’aide d’échangeurs. L’air est ensuite pulsé vers les six ventilateurs de l’installation de séchage. Une installation qui s’avère indispensable dans l’optique de sécher du maïs grain en complément (jusqu’à 750 tonnes) en réponse à la demande des producteurs locaux de volailles de Bresse qui recherchent un maïs riche en protéines et tracé. Des perspectives sont également à l’étude pour sécher de la plaquette de bois en hiver et faciliter ainsi l’alimentation de chaufferies collectives (lycées, hôpitaux…) avec une ressource locale. Outre l’intérêt de valorisation d’énergies renouvelables, ces activités complémentaires pourraient permettre l’embauche d’un, voire de deux salariés à temps plein…

Une approche solide


Ce projet pilote est soutenu par l’Etat, l’Ademe, le conseil régional Rhône-Alpes et le conseil général de l’Ain. L’investissement s’élève à 1,920 million d’€, avec les équipements connexes nécessaires pour la récolte et le conditionnement du fourrage séché, subventionnés à hauteur de 38 %.
Le prix de revient - de l’implantation de la luzerne jusqu’à sa mise en bottes - basé sur les 1.500 tonnes engagées aujourd’hui, avoisine 204 € la tonne de matière sèche, ce qui est inférieur au prix moyen du marché. Selon la chambre d’agriculture, ces cinq dernières années, le prix moyen de la luzerne séchée artificiellement est de 220 € la tonne, mais augmente d’année en année, pour passer de 190 € en 2006 à 245 € en 2009, pour atteindre 280 € en 2011.





En quelques chiffres


3.550 m² de bâtiment, 12 cellules de séchage
170 ha engagés (luzerne et mélanges "suisse")
13 exploitations en Cuma
1.500 tonnes à sécher annuellement
167 €/tonne de matière sèche (récolte, séchage, mise en bottes)
1,92 million d’€ d’investissement, dont 38 % de subventions
Trois énergies renouvelables : solaire, méthanisation, biomasse.






SARL Méthanéa
Acteurs de l’énergie renouvelable


Diminuer les émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, hydrocarbures halogénés, monoxyde de carbone…) est l’un des enjeux actuels. Les installations de méthanisation permettent à la fois de réduire les émissions liées à l’élevage et aux déchets, et à produire une énergie renouvelable (biogaz) et d’un engrais (digestat) facilement utilisables.
Au terme de six années de travail, la première unité de méthanisation agricole de l’Ain - portée par la SARL Méthanéa - est aujourd’hui pleinement opérationnelle. Thierry Thenoz et Guillaume Chevailler, exploitants à Lescheroux, conjuguent l’élevage de porcs naisseur engraisseur (280 truies et entre 6.500 et 7.500 porcs charcutiers chaque année) et la culture d’une SAU de 230 ha essentiellement en maïs et blé. L’alimentation des porcs étant basée sur le maïs humide produit sur l’exploitation, et les déjections de l’élevage étant valorisées pour fertiliser les cultures.
L’unité de méthanisation valorise aujourd’hui 7.000 tonnes de lisier porcin, 100 tonnes de fumier porcin, 1.600 tonnes de fumier de bovin, et 700 tonnes de cultures dérobées, ainsi que 1.500 tonnes de sous-produits issus de l’agroalimentaire. Equipée d’un moteur de cogénération de 190 kWe, elle permet de produire de l’électricité réinjectée sur le réseau et de la chaleur dédiée au chauffage des bâtiments d’élevage ainsi qu’à l’unité de séchage de luzerne de la Cuma Luzerne de Bresse.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes !


La production annuelle de biogaz - estimée à 750.000 m3, soit l’équivalent de 390 tonnes équivalent pétrole - permet ainsi, d’une part de produire 1.520 MWhe/an, soit la consommation d’environ 500 foyers de 4 personnes, et d’autre part une production thermique de 1.630 MWhth/an, équivalent à la consommation en chauffage de près de 90 maisons individuelles. L’unité évitera donc l’émission annuelle de 970 tonnes de CO2, correspondant aux gaz de 400 voitures parcourant 20.000 kilomètres par an.
L’investissement, de 1,8 million d’€, a été soutenu (pour un peu plus de 711.000 €) dans le cadre du Plan de performance énergétique par l’Etat et l’Ademe, et dans le cadre de l’appel à projet régional méthanisation par la région Rhône-Alpes, ainsi que par le département de l’Ain. Le retour sur investissement est estimé à huit ans. Directeur d’AEB Méthafrance, société basée à Lamballe (22), Gilles Merrin insiste sur le fait que « notre spécificité est de s’adapter au contexte français, d’utiliser les savoir-faire français. On se place aujourd’hui délibérément dans une culture de méthanisation à la française ».




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